C'EST QUOI LE KATONAH YOGA?

C'EST QUOI LE KATONAH YOGA?

Vous avez sans doute vu passer depuis quelques temps le mot "Katonah" au studio ; j'en parlais rapidement dans un article de Mirz Magic précédemment et nous avons accueilli plusieurs ateliers de Katonah Yoga ® ces derniers mois avec l'incroyable Dages Juvelier Keates et - best news - à partir du 5 février, tous les mardis aura lieu un cours hebdomadaire de Katonah de 19h à 20h, avec Queen Dages !

Alors oui, mais qu'est ce que le Katonah Yoga au juste? Pas évident à résumer en quelques lignes, tant ses enseignements sont vastes, denses et s'appliquent à tous les champs de la vie quotidienne. J'ai découvert le Katonah il y a 2 ans lors d'un séjour à NYC, en pratiquant d'abord chez Skyting puis dans l'un des 2 QG du Katonah (l'autre est à Bedford Hills dans l'état de NY) ; 'The Studio' sur Bowery Street. Sur le site de The Studio, l'intitulé est clair "Where your teachers come to practice". Rien que ça ! Et en effet, ce jour là je me confronte à une pratique tout à fait différente de ce que j'avais pu expérimenter jusqu'ici. Je prends un cours collectif avec Abbie Galvin, fondatrice de The Studio. Abbie pratique le Katonah depuis 25 ans, formée aux côtés de la mère du Katonah Yoga ; Nevine Michaan. Dans ce cours qui m'apparait en premier lieu comme un dérivé du Hatha Yoga, on utilise mille et un accessoires pour soutenir et creuser notre pratique : 4,5, parfois 6 blocs, plusieurs couvertures, des sangles, des chaises, de petits sacs de sable et surtout, accessoire ultime pour ajuster sa posture : les autres élèves ! La scène est hallucinante : pendant le cours, spontanément d'autres élèves sortent de leur tapis pour venir, guidés par Abbie, ajuster mes hanches, mon buste, ma nuque et je me retrouve tout à coup avec 3 personnes qui me saisissent et / ou appuient pile au bon endroit pour m'aider à aller plus loin dans ma posture, pour aider mon corps et ma tête à explorer une pose multi-dimensionnelle et des sensations inconnues jusqu'ici. Nous qui sommes, en France, plutôt habitués à limiter au maximum le contact physique, je prends ici une véritable claque tactile ! Et je savoure cette nouvelle pratique à mi-chemin entre une séance de Yoga et de kiné ; mon corps comprend enfin des aspects de certaines postures grâce à des métaphores savamment choisies et des ajustements précis et intelligents. Une toute nouvelle perspective de la pratique du Yoga s'offre dès lors à moi !

L'année suivante, je m'envole pour Los Angeles pour me former au Katonah Yoga auprès d'Abbie. J'y apprends, non sans quelques nœuds au cerveau, que le Katonah s'inscrit au carrefour de plusieurs pratiques yogiques et philosophies : le Hatha Yoga évidemment, l'Iyengar pour la précisions des alignements (on y passe du temps à mesurer ses alignements, concrètement, avec des blocs car comme dit Abbie "Les sensations fluctuent, les mesures elles, restent"), le Kundalini, mais cela reprend également des principes ésotériques de la géométrie sacrée, du Taoïsme et de la Kabbale. Ce mix de pratiques et de traditions est né du cerveau de génie de Nevine Michaan, qui étudié de nombreux courants, pratiqué énormément, s'est ultra-documentée sur tout un tas de pratiques et en a extrait un condensé de sagesse à sa sauce. Le tout mis en image au travers d'une cartographie fascinante aux allures magiques dessinée par l'illustratrice Susan Fierro. L'histoire de vie de Nevine est riche de diverses cultures et visions qu'elle a infusées dans le Katonah et le tout donne une philosophie et une pratique ultra-contemporaine que l'on peut appliquer aussi bien à nos postures de Yoga qu'à tous les champs de notre vie en général.

Un des aspects du Katonah qui me fascine instantanément, est qu'il regorge de métaphores puissantes et de cartes illustrées, qui aident à mieux intégrer les aspects de la pratique pour soi et à naviguer dans son corps et dans la vie en général. Avant même de le pratiquer aux US il y a 2 ans, j'étais tombée plusieurs fois sur internet sur ces cartes et je m'étais dit wow qu'est ce que c'est que ce truc dingue ?! Par exemple, la métaphore du corps comme d'une maison / une demeure est fabuleuse et pleine de bon sens ; The body as the abode - the house of one's spirit. On entend souvent dire dans les traditions spirituelles que notre corps est un temple, le Katonah le voit plutôt concrètement comme une maison dans laquelle on aime bien y faire la fête mais qu'il faut aussi apprendre à nettoyer et à entretenir correctement pour qu'il reste un lieu de vie agréable. Notre "maison", entendre "notre corps", est un endroit où l'on a envie de se sentir détendu, à l'aise, confortable et confiant. On veut aussi que cette maison soit fonctionnelle, on veut pouvoir s'y sentir bien quand on y est seul mais on veut aussi pouvoir y inviter des amis !

Ainsi, le Katonah propose d'organiser sa pratique et ses postures en suivant cette métaphore hyper parlante. Si on suit la carte illustrée ci-dessous, chaque pièce de notre maison correspond à une partie de notre corps et ses différents organes associés, glandes et système chimique, et donc à chaque pièce un entretien et des besoins spécifiques ! Ce système ressemble également à celui des chakras, du bas vers le haut du corps : 

Les 3 pièces de l'étage du bas ; le sous-sol (6 - le garage, 1- la chaudière, 8- la buanderie) représentent notre base, notre stabilité, l'ancrage, les fondations de notre être. Cela correspond physiquement à nos nos hanches, nos jambes, nos pieds. On va du coup commencer la pratique avec des postures et des pranayama pour activer, nettoyer, amener du mouvement dans ces zones, leurs donner de la consistance, de la solidité.

Les 3 pièces du milieu ; le rez-de-chaussée (7- le bureau, 5- la salle de séjour et l'autel, 3- la cuisine) correspondent à nos épaules, nos bras, nos mains et représentent nos compétences, nos aptitudes à développer, créer les choses, être en contact avec les autres en amour, en amitié, comme dans le travail. La pratique à cet étage est orientée pour nous rendre physiquement et psychiquement plus habile, créatif, "fonctionnel" au quotidien.

Enfin, les 3 pièces du haut, à l'étage (2- le grenier, 9- l'observatoire, 4- la chambre à coucher) correspondent à nos yeux, notre nez et nos oreilles. Cet étage représente notre vision, notre "sagesse". On met en avant à cet endroit une pratique qui développe notre imagination, notre intuition et la fluidité de notre système neurologique.

Travailler toutes ces 9 pièces ensemble permet d’accéder à la 10ème pièce de notre maison, de notre être : le "grand tout", notre demeure dans son ensemble, fonctionnelle et vivante, quand notre esprit et notre corps sont pleinement unis et que l'on réalise son plein pouvoir ; celui d'être, simplement, bien dans sa tête, bien dans son corps, avec soi comme avec les autres.


Résultat, cette carte me permet à la fois de me connecter pleinement à ce qui se passe physiquement à l'intérieur de moi, de manière fonctionnelle, en me représentant ces images, à mes sensations mais aussi d'enlever mon esprit à mes pensées ruminantes du quotidien en l'amenant sur cette délicieuse imagerie. Tout d'un coup mon corps et ma tête se rejoignent autour de cette métaphore de la maison, boum : tête, corps, esprit ne font plus qu'un, boum unicité, boum définition même du Yoga !

Je vous l'accorde, la première fois que l'on lit / écoute tout ça, cela peut paraitre quelque peu complexe mais la magie apparait lorsque l'on met ces concepts en pratique, concrètement. Essayez, vous verrez ! À chaque rencontre avec Abbie ou Dages, j'ai bu leurs paroles, tant le concept et l'imagerie du Katonah est puissante et concrète. J'aime également cette idée de communauté autour de la pratique, le fait que tout le monde participe à l'ajustement de son collègue yogi dans les cours ; c'est un formidable outil d'apprentissage et de partage. Au travers du corps de l'autre, je comprends mieux ce qui se passe dans le mien, dans les postures. Le contact avec l'autre développe spontanément l'empathie, la générosité, la chaleur, la bienveillance et il me semble que par les temps qui court, nous en avons tous bien besoin !

Il n'y a pas de postures spéciales 'Katonah' à proprement parler ou de séquences dédiées, ce sont plutôt de nouvelles variations de postures associées à des métaphores et un vocabulaire particulier. En tant que professeur, je dirais que j'intègre les éléments du Katonah comme un calque sur mon enseignement. Le Katonah infuse mes cours et ma narration. En tant qu'élève, le prisme du Katonah me sert à donner une autre perspective, une nouvelle dimension à ma pratique personnelle ; ses propositions m'aident à explorer de nouveaux recoins de mon corps et de mon esprit pour une pratique plus pragmatique.

J'ai rencontré Dages l'année dernière au cours d'un training organisé par Chloe et Krissy (également formées au Katonah) de Skyting à Paris et j'ai été tout de suite convaincue par son énergie, sa force et la pertinence de ses mots. Elle a commencé a enseigner le Yoga en 2002 et pratique aux côté de Nevine depuis 2012. Elle est reconnue comme l'une des senior teachers de la communauté Katonah aux États-Unis et nous raconte son histoire personnelle avec le Katonah :

Comment s'est passée ta rencontre avec le Katonah et Nevine Michaan ? Raconte nous comment tout cela a commencé !

J’ai d’abord rencontré Nevine il y a 7 ans. J’étais au départ réticente à l’idée d’assister à un de ses cours, même si un de mes plus anciens élèves me pressait, n’arrêtait pas de me parler d’elle. À l'époque, j'étais un peu désenchantée par la communauté yoga. Je pratiquais auprès de la communauté Anusara qui venait d’exploser et avais fréquenté avant ça la communauté Kundalini et la Bihar School of Yoga. Il y avait beaucoup de scandales par rapport au comportement de certains gurus qui avaient abusé de leurs élèves et je n’avais plus envie de faire partie d’une école en particulier, je voulais faire mon propre yoga. Mais cet élève n’arrêtait pas de me parler de Nevine et tout le monde autour de moi également. Après un an de résistance, j'ai finalement assisté à l'un de ses cours et ce fut le coup de foudre !

Dès notre première rencontre on s’est tout de suite très bien comprises, on avait beaucoup de centres d’intérêts en commun. Je savais qu’elle avait cette pratique avancée et je voulais tout apprendre d’elle. C'est une personne foncièrement bonne, généreuse et tendre. Son studio était un endroit sans prétention, absolument pas commercial et à cette époque, elle avait presque 60 ans (comme Abbie) et cela me faisait beaucoup de bien de pratiquer avec ces femmes matures, qui n'attendent rien des élèves. Je pouvais à nouveau être curieuse et ne plus être sur mes gardes. Pendant longtemps je n’ai étudié qu’avec Nevine et j’ai commencé à retravailler avec mon corps. Ce fut incroyable de le redécouvrir et de sentir que les douleurs que je pensais inscrites en moi pour toujours et liées à mes anciennes pratiques du yoga et de la danse, à un accident de voiture et de la vie en générale que je portais en moi depuis des années se dissipaient. Après des mois de pratique intense, ma posture a commencé à changer, à s'améliorer, ainsi que la forme de mes fesses et de mes pieds ! Après les cours, dans la rue, mes jambes tremblaient tellement, comme si je ne les avais jamais utilisées auparavant.

Puis avec Abbie j’ai appris énormément sur les ajustements. Sa pratique est différente de celle de Nevine, il y a beaucoup plus de postures debout, de positions du chien, du guerrier, des inversions. C’était fascinant d’avoir son angle d’approche sur la pratique, de voir comment quelqu’un utilisait le matériel donné par Nevine pour en faire une pratique thérapeutique.

A cette époque j’étais en Master en 'Gender Studies & Performance'. J'étudiais les courants de pensée sur l’incarnation et les émotions, les théories féministes, le post-structuralisme et la psychanalyse. À la fin de mon master, j’hésitais à poursuivre sur un doctorat. J’en ai parlé à Nevine qui avait lu mon mémoire et elle m’a dit : “Pourquoi ne pas arrêter avec ça et venir travailler pour moi?!” Elle m’a alors proposé de travailler pour elle en tant que professeur et qu’écrivain tout en continuant apprendre auprès d'elle et d'Abbie, ainsi que d’autres professeurs au sein de la communauté Katonah. J'étais un peu perplexe au début car elle ne précisait jamais ses attentes quant au travail d’écriture qu'elle attendait de moi. Je lui envoyais des idées et elle me disait d’écrire sur ce que je voulais. Elle me disait même qu'elle ne voulait pas que je lui envoie systématiquement tous mes écrits car elle-même écrivait en même temps et ne voulait pas que mes mots influencent sa pensée. Elle m'encourageait à être complètement autonome pour être à l'aise avec tout ce contenu Katonah que je commençait à enseigner aussi en parallèle. Alors j'ai écrit, écrit, écrit et finalement c'est devenu un livre ; Radical Acts of Embodiment.

Nevine s'est toujours entourée de professeurs qui viennent d’autres lignées de Yoga car il n'existe pas de postures ou de séquences de Katonah Yoga à proprement parler. Chaque prof intègre la philosophie et les concepts du Katonah à sa propre pratique existante. J'ai écrit ma vision du Katonah dans Radical Acts of Embodiment, Kat Villain a décrit la sienne dans Yoga as Origami , Nevine a crée son manuel, tout comme Abbie. En cela, le Katonah Yoga est parfois difficile à saisir car c'est une vaste philosophie générique dont il faut prendre ce qui te parle et laisser de côté ce qui n'a pas de sens pour toi. La porte d'entrée de la compréhension du Katonah passe généralement par un prof dont l'enseignement te parle et c'est ensuite à toi d'en faire ta propre interprétation.

Tu dis que chaque personne s'approprie la pratique à sa sauce, mais est ce que la source du Katonah reste Nevine ou chaque prof suit librement sa voie dans l'enseignement du Katonah?

C’est les deux : le Katonah Yoga c’est Nevine, Nevine c’est le Katonah Yoga. Par exemple, si je voulais ouvrir un studio à Paris, je ne pourrais pas l’appeler "Katonah Paris", je devrais plutôt l’appeler "Dages Yoga" car c'est ma propre vision infusée de mon histoire personnelle et de mes expériences, bien que très influencée par la sienne. Le rêve de Nevine est de voir le Katonah comme un contenu open source que chacun peut s'approprier à condition d'en respecter la philosophie. À l'instar des écoles de Yoga à l'époque, de la Kabbale ou d'autres traditions ésotériques, qui à l'origine, fonctionnaient comme des confréries : il fallait donner une certaine partie de son temps, l'enseignement était une transmission orale, secrète et il était d'un commun accord d'en respecter les codes philosophiques.

Nevine aspire à ce que toutes ses métaphores et ses cartes servent les autres, que chacun se les approprie et joue avec ça, tout en supervisant les professeurs. Par exemple, chaque prof se rend à son studio à Bedford Hills pour la rencontrer personnellement et pour pratiquer avec les autres profs sur place. Mais par exemple, si je publie un article sur le Katonah, je ne l’envoie pas à Nevine dans l’attente de son approbation. J'aime que le Katonah ne soit pas une institution, je crois que je paye 10$ pour ma license de prof à vie, pour te dire ! Aujourd'hui le Yoga représente une industrie de plusieurs milliards de dollars et les écoles de Yoga deviennent des sociétés, des marques, sont hyper établies. Je crois qu'il est important de rappeler que la tradition du Yoga était à l'opposé de ça. Aujourd'hui, tout le monde lit Patanjali avec cette fausse croyance que le Yoga a toujours été une institution et ce n’est pas vrai. À l'époque en Inde, les yogis étaient perçus comme de véritables croque-mitaines et les gens qui en croisaient un dans la rue changeait de trottoir. L'image du yogi serviable et doux est une image née de l’attitude post-coloniale de l’Occident. Le Yoga a une histoire, une origine bien plus profonde que cela. Dans notre société capitaliste tout est tourné vers l’argent donc on croit que le Yoga peut être un business, mais ce n'a strictement rien à voir avec cela.

Tout ça fait que j'ai été séduite par la pensée singulière de Nevine, par le fait qu’elle ait compris que le Yoga doit être un système assez grand pour que toutes les personnes e pratiquent, sans chercher à en faire une institution. Je dirais pour résumer que Nevine est au centre du réseau et non en haut d'une pyramide, et nous, telles de petites araignées, nous tissons notre propre toile autour, avec nos histoires, nos épopées personnelles. Et je crois que c'est ce qui fait que tout le monde lui est très loyal et reconnaissant de tout ce qu’elle nous a ouvertement enseigné, sans attente en retour. Il n’existe par exemple pas de formation de prof Katonah de 200h comme c'est le cas ailleurs. Pour être certifié, il faut au préalable avoir complété une formation de 200H de n’importe quelle école de Yoga puis avoir pratiqué 190h avec Abbie, moi ou d'autres profs de la communauté. Il faut ensuite faire 10h à Bedford Hill pour prendre connaissance de son studio et 4h avec Nevine. Elle tient vraiment à connaitre tout le monde et est très accessible.

Quand on entend parler des maîtres du Yoga, ça fait toujours partie du passé. Ce qui me fascine avec le Katonah et qui à mon sens est rare, c’est que Nevine est toujours vivante, présente. Cela rend la pratique véritablement contemporaine. Comment a t-elle crée toute cette matières, comment a t-elle mixé tous ces ingrédients philosophiques ? A t-elle lu des milliers de livres, beaucoup voyagé ?

Je ne connais pas toute l’histoire, mais de ce que j’ai pu apprendre sur elle par elle et sa famille (car j’ai aussi travaillé avec sa mère, qui est également incroyable !), c'est qu'elle vient d’une famille juive, elle est née en Égypte. Sa famille a dû déménager énormément pendant le siècle précédent à cause des nombreuses guerres. Ils ont vécu en Amérique du Sud, en Égypte, dans plusieurs endroits en Europe. C’est une famille polyglotte. Ils se sont finalement installés à NYC dans les années 50. Nevine a donc eu une enfance particulière car ils ne correspondaient pas aux standards de l'époque du "gentil blanc" de banlieue ; aux yeux des autres, ils étaient des Juifs Égyptiens. Tout était différent du NYC des 50's dans leur façon de vivre ; leur culture, leur nourriture, jusqu'à la déco de leur maison. Nevine se sentait donc différente et elle a dû se construire avec le riche héritage culturel de sa famille. Comme beaucoup de personnes qui pratiquent le Yoga, elle cherchait des moyens, des techniques pratiques pour faire face à ses difficultés, pour surmonter parfois le poids de son histoire, de ses richesses comme de ses faiblesses. Elle savait par exemple qu’elle devait répondre aux espoirs et aux rêves de sa famille. Donc elle s’est mariée, elle a eu trois merveilleux enfants (et déjà deux petits enfants). Mais à coté de ça, elle s'efforçait de cultiver sa propre vision du bien être et a commencé le Yoga. Au début, elle a étudié avec tous les grands noms du Yoga qui étaient à NYC à l'époque. Elle pratiquait tous les jours avec le célèbre instructeur Allan Bateman dans les années 70. Elle a aussi étudié avec Iyengar, avec Scaravelli et bien d’autres. Elle était très intéressée par la médecine chinoise et a commencé à l'étudier également. Elle s’intéresse à beaucoup de choses qu'elle intègre et transforme ensuite à sa sauce. Sa pratique du Yoga est extrêmement pragmatique car elle est très imprégnée des responsabilités relatives à la vie de famille, aux obligations sociales. Comme nous tous, Nevine avait besoin de techniques pour s'élever spirituellement tout en gardant un équilibre entre le mystique et ses obligations de la vie quotidienne. Elle lit également énormément et son langage emprunte beaucoup de vocabulaire à la cuisine car elle cuisine beaucoup. Elle utilise aussi par exemple des métaphores inspirées du base-ball car elle devait emmener son fils aux entraînements de baseball ! En fait, elle nourrit son enseignement de chaque aspect de sa vie et c'est ce qui le rend si concret et parlant. Elle nous encourage d'ailleurs à construire nos propres métaphores.

Comment expliques-tu que tant de professeurs aujourd'hui s'intéressent au Katonah Yoga ?

Déjà, comme tu disais, Nevine est toujours en vie, elle est très accessible et son enseignement est abordable. Les formations avancées ont un certain coût certes, mais si tu veux assister à un de ses cours à elle c’est 20$ !

Pas non plus besoin de connaître le Sanskrit pour comprendre la pratique et l'enseigner. La pratique est facile à intégrer dans un contexte occidental, digeste et simple.

Ensuite, à l'instar de nos cultures qui sont très mélangées aujourd'hui et nos villes métissées, le Katonah Yoga est un mix de plusieurs traditions et philosophies. L'hétérogénéité des pratiques de chacun y est même encouragée ; la pratique du Yoga ne s’arrête pas au tapis. C’est bien plus que ça. Le Yoga c’est aussi la façon dont on agit dans sa vie, notre rapport aux autres.

Enfin, je dirais que physiquement, c’est un façon d’être qui n’existe dans aucune autre école de Yoga, c'est une approche vraiment rafraîchissante du Yoga. Le Katonah pourrait se rapprocher de l'Iyengar dans le sens où nous utilisons beaucoup d'accessoires pour pratiquer mais la pratique n'est pas dépendante non plus de ces accessoires. On les utilise pour se mesurer dans les alignements, pour travailler sur la géométrie de notre corps mais au final une fois que tu as les techniques, ton corps se suffit à lui-même et tu peux pratiquer n'importe où. C’est pour ça que je poste ces vidéos où on me voit pratiquer sans accessoire, sans tapis, avec un fauteuil dans mon salon par exemple. Tu apprends des techniques pour pouvoir les utiliser ensuite tout terrain. Tu ne dépends de rien. C’est une pratique qui rend autonome et responsable. Elle permet un véritable "nettoyage" du corps, d'apaiser nos organes, de drainer nos reins, d’ouvrir nos poumons, de revitaliser notre foie, de stimuler notre système digestif.

Je crois que quand on est prof de Yoga, on peut très vite être surmené et avoir l’impression de répéter toujours les mêmes choses, on fini par s'assécher. Le Katonah est comme une bouffée d'air frais, une technique toute nouvelle, pleine de variations et de métaphores étonnantes, qui offre des expériences inédites dans nos corps. Je suis arrivée au Katonah après des décennies d’enseignement et de danse. Avant ça, je ne savais pas que je pouvais me sentir aussi bien dans mon corps.

Tu danses encore, en tant que professionnelle ?

Je danse toujours mais plus de la même façon que l’on me l'a apprise. Je danse de façon plus conceptuelle, je travaille avec des artistes visuels. Je ne ferai plus jamais de grand écart sur scène, je ne me sacrifierai plus pour tenir certaines positions. Je fais toujours de l’art. J’écris sur le Yoga mais j’ai aussi d’autres projets littéraires. L’art occupe une place incroyablement importante dans ma vie.

On a peu l’habitude de se toucher entre élèves pendant les cours pour s'entraider dans les ajustements. Je suis intimement convaincue que l'on a tout intérêt à cultiver ces connexions, cette générosité et ce soutien sur le tapis comme en dehors. On a vraiment besoin de ça ici, à Paris, tu ne penses pas ?

Je suis tellement fière de ceux qui se tournent vers leur corps pour mener ce combat vers plus d’incarnation, qui affrontent leurs souffrances. Je souhaite inviter le plus de monde possible à faire l’expérience de leur corps. Étant donnée la situation politique, dans notre société, je pense qu’il est très important d’avoir une pratique qui nous apprenne à toucher les autres, à nous laisser être touchés par les autres, qui nous aide à développer notre empathie, notre acuité et notre responsabilité individuelle !

 

+ D'INFOS

. Dages Juvelier Keates guidera un cours en anglais de Katonah Yoga au studio tous les mardis de 19h à 20h. Réservations ici

. Des ateliers de Katonah Yoga sont également régulièrement organisés au studio, vous pouvez suivre notre programme ici . Nous accueillerons notamment au printemps d'autres professeurs de NYC et Los Angeles pour des ateliers.

. Le studio de Nevine Michaan à Bedford Hills (État de NY) : www.katonahyoga.com

. Le studio d'Abbie Galvin à NYC : www.thestudio.yoga

. Le Katonah weekly planner 2019 est disponible au studio au tarif de 50€. C'est agenda sur l'année à compléter, à mi chemin entre un journal intime et un carnet de bord de votre pratique selon les enseignements du Katonah. On y retrouve notamment les différentes cartes et métaphores illustrées.

. À lire, l'article 7 Things To Know About Katonah Yoga de Yoga Journal US pour en découvrir davantage sur la méthode : 1. It's more workshop than a flow / 2. Muscles aren't the focus / 3. Organs are what's important / 4. It has its own alignment methods / 5.Get ready to revisit your geometry / 6. It's the other Taoist Yoga / 7. Shifting out of your automatic pilot is the goal.

. Suivre Marine Parmentier

 

Retranscription interview : Victoire Kalamarides

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